Revue de presse |
Dans la nuit du 30 Avril au 1° Mai 1942 |
![]() |
Ils apposaient à la peinture sur
les trottoirs de la rue du Soleil à St Etienne, les inscriptions :
"LAVAL AU POTEAU" |
UN DE BUCHENWALD
|
AVRIL 45 - AVRIL 1949COMMENT FUT LIBÉRÉ Souvenirs vécus par Henri
PERRIN Avril 45. Avril 49. Quatre ans ont passé depuis l'assaut décisif et victorieux des alliers contre l'Allemagne. Quatre ans depuis la libération des camps de concentration, cette organisation diabolique de l'esclavage humain. Soir-Expresse a demandé à un rescapé de Buchenwald, M. Henri Perrin, un des pionniers de la Résistance dans la Loire, cinq fois arrêté, et finalement déporté en Allemagne , de raconter ce que furent les dernières heures vécues dans ce camp. Il y aura quatre ans demain, le premier camp
de concentration nazi était délivré, et, en même temps , le premier
témoin de la barbarie teutonne se présentait intact, aux yeux des
alliers. Les blindés américains en provenance de Erfurt et à destination
de Weimar, continuaient leur sûre progression vers l'Est, traversant
la forêt de Buchenwald. Les soldats, sur les chars ou sur les jeep,
ne se rendaient pas encore compte qu'ils avaient délivré des prisonniers,
des condamnés à mort. Quelques heures plus tôt, 18 000 hommes étaient
là, qui osaient à peine espérer.... Dimanche 1er Avril. C'est Pâques. Double raison d'être joyeux: : c'est la première grande fête de l'année, doublée de ce jour de blague où l'on se permet, selon nos vielles coutumes française, d'accrocher un petit poisson dans le dos de son prochain en racontant une histoire rocambolesque qu'on dément lorsque l'interlocuteur commence à y croire par un sonore : "Poisson d'avril ! " Dimanche 1er avril 1945, à Buchenwald, dans la Thuringe.
40 000 hommes sont là et qui ne songent point à rire. Il sont sur
la place d'appel. Pourquoi faire ? On n'en sait rien. On ne sait jamais
dans ce pays, on n'est pas là pour ça d'abord, on est là pour travailler,
et crever ! L'appel se prolonge. On est ici depuis plus de quatre
heures, qu'attend-on? On ne sait pas. Peut être, le mercenaire qui
est de garde dans le mirador devant une mitrailleuse attend-il l'ordre
de tirer dans le tas ? Pourquoi pas ? On en a vu bien d'autres. Plus
rien n'est fait pour nous étonner. Dans le lointain, le canon tonne
: les Américains. Mais arriveront-ils assez tôt ? Qu'est-ce qu'ils
attendent, eux aussi ? Cela fait huit jours que l'on entend gronder
le canon. Dans la plaine que l'on surplombe, on voit çà et là monter
dans le ciel une fumée : la guerre est en train de faire son uvre.
D'après les communiqués de la Wehrmacht que les S.S. nous diffusent,
nous avons bien compris que les Américains marquent un temps d'arrêt.
Mais cela va-t-il durer ? Les alliés se sont bien arrêtés déjà six
mois sur le Rhin. Aurons nous assez de courage pour patienter ? Et
combien de temps cela durera ? L'appel se prolonge. Quelle fantaisie
nouvelle va s'emparer des S.S. ? Tout à coup, quelques coups de feu partent, dans le camp, vers les barraques. Puis tout rentre dans l'ordre. Quelques minutes encore et ... rompez les rangs. Chacun rejoint son block. Ce qui s'est passé ? Les S.S. cherchaient tout simplement deux juifs qui se cachaient dans le camp. Pendant que tous les autres détenus étaient sur la place d'appel, ils ont fouillé les blocks et ont trouvé leurs proies. Quelques coups de pistolet en ont eu raison... On n'a jamais badiné avec les juifs Mais en ce jour de Pâques 1944 il y avait encore moins de raisons pour un S.S. de badiner avec deux juifs qui refusaient d'aller d'eux-même au crématoire ! A quand notre tour ? Qui vivra verra quand il mourra
: pourrait-on dire . Et les Américains ne sont qu'à quelques dizaines
de kilomètres. C'est sûr qu'ils ne savent pas, sans quoi ils viendraient
bien nous chercher. Ce que c'est long d'attendre quand l'échéance
arrive. De quoi sera-t-elle faite ? On ne sait pas, mais pour sûr,
l'échéance arrive. Et que va-t-on manger. Parfois l'électricité manque
et on ne peut pomper l'eau pour faire la soupe. Quand l'eau vient,
on s'apperçoit qu'on n'a plus de charbon pour faire chauffer. Heureusement
que le camp possède un petit stock de pain moisi que l'on distribuera
parcimonieusement. Le jour passe. Toujours rien de nouveau. Le lendemain, le commandant du camp qui doit sans doute craindre des troubles parmis les détenus, reunit tous les Allemands internés et leur donne sa parole d'officier, que le camp ne sera pas évacué. Nous aurons d'ailleurs dans les jours qui suivent, l'occasion d'apprécier une fois de plus à sa juste valeur, la qualité d'une parole d'officier boche. En effet, l'évacuation est la chose que l'on redoute
entre toutes. Comment nos corps affaiblis pourraient-ils tenir, le
long des routes, les pieds meurtris et blessés dans des galoches sans
nom. Il furent transportés à cent par wagons tomberaux, à ciel ouvert, au mois de février, par une température de moins 20 degrés. Des wagons entiers de morts furent déchargés en gare. Il en résultat un tel encombrement du crématoire que l'on dut ensevelir les corps dans une fosse commune, vielle carrière abandonnée, immense trou de 100 mètres de diametre. Une évacuation à pied ne nous présage rien de bon, même par ce mois d'avril printanier. Déjà en 40 , les prisonniers de guerre Français qui ne pouvaient suivre les convois etaient abattus... Les jours qui vont suivre vont confirmer nos craintes. Block par block , les S.S. évacuent méthodiquement le camp et chaque jour voit son contigent partir. Des débrouillards arrivent à se faufiler et se réfugient parmi ceux de leur camarades qui ne sont pas encore appellés à être évacués: il vaut mieux tout risquer que l'évacuation. Alors une dizaine de jours passent, mortellement longs, où le désespoir succède à l'espoir, où la crainte ajoute encore à l'immense angoisse du camp. L'alerte ne sonne même plus. Nous sommes en perpétuel état d'alerte. Les avions passent et repassent sans cesse. On attend. Viendront-ils ? * * * 10 avril. Après ces dix jours épuisants où à chaque seconde, on ne pouvait présager ce que serait la seconde suivante, dix jours de cette guerre des nerfs que les Allemands pratiquaient avec un art raffiné, on nous annonce que nous devons partir. 17 heures. Nous voici en rang par cinq, en rang comme d'habitude. Nous sommes résignés et ne pensons même plus à rien. Le canon gronde toujours et les avions passent là-haut. La quintuple file de déportés attend devant le block l'ordre de départ. 17 h. 10 : contre-ordre . On ne part pas ce soir. Aucune joie ne s'empare de nous, car on n'ose même plus espérer. On ne croit plus à la délivrance, on ne croit plus à rien. Mais on va quand même se coucher en pensant : c'est toujours ça de gagné. 11 Avril. On se réveille comme tous les matins. Le
soleil se lève là-bas à l'Est et, comme chaque jour c'est une féérie. |
Soir Express n° 149 Lundi 11 avril 1949 La libération des camps Souvenirs vécus par Henri Perrin, déporté de la résistance Ironie du destin ou contradiction du sort. Ici tout est contradiction. Les hommes meurent abandonnés comme des bêtes, au son de valses viennoises, ou même de valses musettes qui ont vu le jour sur les bords de la Seine(1). Cest dans ce pays où lon exploite la haine que le plus grand poète de lamour aimait à se recueillir (2) Le soleil se lève comme chaque jour, radieux et jouant avec les nuages. On attend, cest devenu un leit-motiv, une rengaine. Attendre, cest notre raison sociale. Le matin passe. Mais jamais les évacuations ne se font le matin. Vers midi, une sirène rugit. Nous ne lavions entendue quune fois à titre dessai. Elle annonce lapproche des panzerspiste (avance déléments blindés). Un ordre laconique est lancé deux fois successives par le haut-parleur : " Tous les S.S. en dehors du camp ". Ce seront les dernières paroles prononcées par un de ces criminels de guerre que jaurais entendues. Un chasseur américain pique sur le
camp, vire de laile et nous survole à 20 mètres à peine. On
distingue le pilote dans la carlingue. La joie de voir un homme libre,
un allié, nous fait sortir des baraques malgré les ordres sévères.
Laviateur, de son appareil, doit voir des êtres aux costumes
bizarres lui faire des signes amicaux. Nous comprenons vaguement que quelque chose se passe. Peut-être est-ce la délivrance. Personne cependant nose y croire. Et puis avec ces S.S. capables de tout, quel sera notre sort ? Ils ne sembarrasseraient pas pour si peu dincendier le camp ou de tirer sur les blocks qui sont tous encore occupés. On entend des coups de feu, ce qui laisse à penser que la bataille est proche, et cest peut-être une offensive. Nous nous groupons alors par sizaines, des sizaines super clandestines qui se sont installées à lintérieur du camp parmi les résistants, absolument surs.(3) Nous sommes prêts à toute éventualité. La fusillade se rapproche, on la croirait dans le camp.(4) Tout à coup, le drapeau blanc est érigé par lun des nôtres, sur la Tour (porte principale). Cest le signal. Nous nous précipitons. Notre attention, cependant, est retenue un instant par un spectacle inattendu, incroyable pour nous, pauvres prisonniers : un S.S. les deux bras au ciel encadré par deux détenus. On comprend bien que lordre des choses est renversé, mais on nen revient pas ! Les ordres sont donnés. Il faut aller aux casernes et semparer des armes. Alors, tête baissée, sans songer que les casernes sont peut-être minées, quil y a peut-être encore des boches cachés dans les bosquets, nous courrons et prenons tout ce qui nous tombe sous la main : fusils, pistolets, baïonnettes, etc. Daucun gardent les stocks darmes, dautres partent en patrouille. Ils ramèneront plus de deux cents S.S. dailleurs. A ce sujet, je noublierai pas de mentionner le sort que nous leur avons réservé. Cela a été pour étonner beaucoup de personnes à qui je lai raconté par la suite. Tous les S.S. furent remis aux autorités américaines. A lunanimité, nous navons pas voulu quils subissent ne fut-ce que le centième de ce que nous leur reprochions. Auront-ils compris la grandeur et la charité dun tel geste ? Pour ma part, je crois fermement que de tels actes ne sont pas toujours vains. Pendant ce temps, les américains passaient avec leur impressionnant matériel. Paternes, de leurs chars faisaient de la main le V de tradition que Churchill a popularisé. Ils considèrent ces hommes étranges qui, en vêtements rayés comme des zèbres, qui en haillons, ces espèces de mendigots en armes qui leur font de grandes manifestations damitié. Certains dentre nous ont découvert un stock important de jumelles prismatiques. On connaît dailleurs la renommée allemande dans la science de loptique. Nous les lançons aux américains. Il y a longtemps quon na pas mangé, mais peu importe, ce soir on naura pas faim.
et lorsque tout à lheure,
couchés sur nos grabas nous essayons en vain de trouver le sommeil,
plus dun dentre nous pensera quun nouveau jour va
se lever, différent des autres. Une page dhistoire a été vécue.
Il faut la tourner, mais il ne faut pas loublier, car trop des
nôtres nauront pas eu la joie de vivre ce jour de délivrance,
ils nauront même pas de sépulture, car leurs cendres mélangées
aux cendres du charbon qui alimentait le crématoire aura servi dengrais
pour faire pousser les pommes de terre de lAllemagne. (1) Les allemands qui parfois ne manquent pas de goût mais
qui étaient dénués de tout à-propos faisaient
jouer toutes sortes de disques, qui étaient retransmis au moyen
de hauts parleurs dans tous les blocks et les infirmeries où
les hommes tombaient commedes mouches. |
Journal de la F.N.D.I.R.P. Page 7 : Le convoi des " Tatoués " Le mardi 26 avril 1944, sur l'esplanade du camp de Royallieu, 1 655 hommes étaient rassemblés en vue de l'appel pour leur transport vers l'Allemagne ; le départ eut lieu le lendemain, 27 avril . Après quatre jours de voyage, en fin d'après-midi du 30 avril, le convoi s'arrêta en rase campagne, le long d'un semblant de quai bordé par une interminable ligne de barbelé ; les gardes chassaient les arrivants hors des wagons et les alignaient en colonne par cinq . Après environ un kilomètre de marche forcée , sur un étroit chemin caillouteux compris entre la voie ferrée et l'enceinte , la colonne pénétrait dans un camp . La main courante du camp d'Auschwitz-Birkenau ( Kalenderium des ereignisse im Konzentrations-Lager Auschwitz-Birkenau ) à la date du 30 avril 1944, signale cette arrivée de 1 655 détenus, décrits comme "des intellectuels , des personnalités politiques , des officiers de haut rang et des membres des mouvements de la Résistance française ". Les détenus furent immatriculés du numéro 184 936 au numéro 186 590 inclus , et furent placés à Birkenau dans les barraques situées à proximité du camp des familles israélites-tchèques. Le 12 mai , la même main courante note que 1 638 détenus arrivés de Paris le 30 avril sont expédiés à Buchenwald ; ils y parviendront le 14 mai . Une partie de ce convoi , soit environ 700 hommes, restera dans ce dernier camp et sera affectée à ses différents kommando ; les autres membres du convoi , soit environ 900 hommes, seront acheminés le 25 mai vers le camp de Flossenbürg où ils seront répartis dans des kommandos. Des 1 655 hommes partis en avril 1944 et immatriculés à Birkenau , moins de 500 retrouveront leur foyer au printemps de 1945. |