LES CLANDESTINS
Jean NOCHER

Edition GALLIMARD 1946
Du fournil au peloton d'exécution
Lucien NEUWIRTH

Edition PLON 1986
La Résistance civile dans la Loire
René Gentgen
Edition Lyonnaise d'art et d'histoire 1996
 

LES CLANDESTINS
Jean NOCHER

Edition GALLIMARD 1946

Page 13

N'est-ce pas mon petit C.V., toi qui étais un tendre, un vrai croyant, toi qui me dis un jour : "Il n'y a qu'un commandement qui compte dans la vie, c'est tu ne tueras point ! " mais qui devins plus tard Chef régional responsable du sabotage des voies ferrées, et qui te promenas durant six mois avec ta serviette pleine d'explosifs voisinant avec ta Bible marquée au Cantique des Cantiques ?...

Page 153-154-155

Les prisons de C.V.

Le premier de mes jeunes camarades, c'est le petit Henri Perrin, dit C.V. Un grand scout aux yeux clairs, au regard droit. C'est lui qui m'a dit avant tous les autres :
- Il faut faire quelque chose ! Il faut faire tout ce qui est possible.
Il a fait tout ce qu'on croyait humainement impossible. Il est revenu du camp de Buchenwald. Nous le croyions mort et il aurait du être en effet fusillé plusieurs fois. Il est arrivé dans sa tenue de bagnard. Ils lui avaient tatoué sur le bras un numéro de six chiffres, car avant de connaître Buchenwald, Henri a connu Auschwitz.
Nous n'avons vraiment cru à son retour que lorsque nous l'avons vu apparaître, un beau matin, sur le marchepied du wagon, si pâle et si amaigri, les yeux encore plus brillants sous ses cheveux rasés, un peu voûté aussi. Et sa première parole a été : " Et maintenant, qu'est ce qu'on fait ?" son père m'a dit : - J'ai envie de lui répondre : " Et maintenant, on va se coucher !" Mais je n'ose pas, car j'ai peur qu'il m'injurie.
Avant Auschwitz, avant Buchenwald, la vie d'Henri Perrin n'a été qu'une suite ininterrompue d'emprisonnements et de libertés provisoires. Sa première arrestation date de 1942, une arrestation bête.
Avec "Latour" et "Cadum", C.V. était en train de préparer la manifestation du 1° Mai : ils badigeonnaient consciencieusement les murs au goudron et à l'acide, en lettres hautes de un mètre cinquante : "Résistez ! V, croix de Lorraine, Laval au poteau !" C'était peut-être enfantin, mais en fait, c'était tout de même une prédiction, le V, et aussi le poteau pour Laval.
Une ronde d'agents, et voila une partie de notre équipe sous les verrous. Ce n'est pas bien grave : Henri en sort trois mois plus tard, après avoir connu les prisons de Saint-Etienne et de Clermont.
En revenant, il me dit simplement : - Me revoilà ! Qu'est-ce qu'on fait ?
Et cette fois, il se met à du travail sérieux : il lâche la propagande-diffusion de journaux, et devient Responsable régional du N.A.P.-Fer, chargé du sabotage des vois ferrées. Moi je le perds de vue, car c'est à mon tour d'aller en prison pour quinze mois. Mais je sais que ce catholique, pour qui les préceptes du Christ font loi, se promène avec ses plans de destruction et sa valise bourrée d'explosifs. Et je sais aussi qu'il ne répugne à aucun contact pour obtenir toutes les informations qu'exige de lui son Réseau de Renseignements. Dans notre cellule, nous suivons ses prouesses et à chaque coup bien monté, nous battons des mains, comme des enfants. Car notre solidarité traverse les murs les plus épais de nos cachots. Nous savons que nous le retrouverons un jour si nous avons de la chance, et nous savons aussi, car nous ne sommes pas fous, qu'il faut avoir de la chance.
Henri Perrin est arrêté encore, juste le temps de connaître d'autres caves, d'autres trous, d'autres cercueils de pierre, d'autres barbelés. Il en sort à nouveau, reprend le combat ; Il murmure seulement avec philosophie :
- A la paix, j'éditerai un guide des bonnes prisons, pour la prochaine fois. Comme ça, les copains de l'avenir pourront faire leur choix: et on ne sait jamais : cela pourra peut-être leur servir.
Et puis un jour, catastrophe ! Il est cerné à un rendez-vous :
- Haut les mains ! Ici, Barbie, chef de la Gestapo de Lyon. Vous êtes fait , mon petit !
Car c'est Barbie lui-même qui s'est déplacé pour l'arrêter.
Vingt-quatre heures après, la nouvelle nous parvient dans notre prison :
- Un message pour toi Jean : le petit C.V. est arrêté.
Pauvre môme !
Mais le môme s'en tire fort élégamment :
- Allez, avoue ! Tu vas être fusillé, torturé. Qu'est ce que tu fais dans la Résistance ?
- Moi ? Je suis agent de liaison de "France d'abord", mais je ne sais rien d'autre : j'assure mes liaisons à des rendez-vous que je vais vous indiquer.
Et il donne cinq ou six points de chute déjà grillés. Barbie lui même s'y trompe... Belle jeunesse diabolique et pure !
Il connaît le sinistre fort de Montluc. On lui apprend que j'en suis déjà parti. Il dit : " Dommage ! on se manque toujours de justesse ..."
Et puis, il connaît Fresnes, Compiègne et le transport affreux pour Auschwitz, à plus de cent par wagons à bestiaux . on le tatoue, on le rase des pieds à la tête on le passe à la désinfection et on le laisse ensuite croupir dans les charniers à ciel ouvert d'ou les Américains ont fini par l'extraire . Et il est revenu, toujours le même, et il a dit :
- Qu'est ce qu'on fait ?
Puis :
- Ou sont passés les copains ?
Et il a sauté de joie, comme un gosse qu'il est resté, en apprenant que nous n'étions pas morts.

  Annotation de C.V.
Récit un peu romancé, d'ailleurs je n'ai jamais été scout.
Bibliographie

Du fournil au peloton d'exécution
Lucien NEUWIRTH

Edition PLON 1986

Page 24-25
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Le groupe Espoir jaillit ainsi d'une rencontre entre une jeunesse généreuse et un journaliste décidé que réunit une voix lointaine portée par les ondes et qui dit :" Battez-vous, et la France redeviendra elle-même ! "
A Saint-Etienne, c'est d'abord la jeunesse qui se dresse. René Seyroux, Claudius Volle, Denise Bonhomme, Roger Faure-Dauphin, Henri Perrin et Viollette Maurice, ces deux derniers seront déportés.
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La Résistance civile dans la Loire
René Gentgen

Edition Lyonnaise d'art et d'histoire 1996

Page 37
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Le comité directeur d'"Espoir", informel, se constitue avec les éléments qui se retrouvent le plus souvent aux côtés de Jean Nocher, René Seyroux, Lucien Neuwirth et Henri Perrin..... ...... Henri Perrin est scout de France et employé à la SNCF. En fait il était étudiant, fils de cheminots. Il n'a jamais été Scout. Il y regroupe des cheminots sympathisants. Il établit la liaison avec "Témoignage Chrétien" . Arrêté avec René Seyroux lors de manifestations du 1° Mai 1942, il est libéré trois mois plus tard. Il est maître en badigeonnage es graffiti.
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Page 39
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Jean Nocher est en relation avec "Témoignage Chrétien" et avec "Liberation", mais c'est avec "Combat" et avec "Franc-Tireur" que ses relations sont le plus étroites. Il rencontre les responsables locaux de "Témoignage Chrétien" par l'entremise de Henri Perrin. Il ne semble pas, distribution des Cahiers mis à part, que ces contacts aient été fructueux......
Page 42
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Ces événements marquent la fin du groupe "Espoir". Lesoil sortira encore un ultime numéro du journal Espoir. Tous ses membres libres vont désormais se consacrer à "Franc-Tireur". Henri Perrin, après Quitaut, en sera le departemental. .......
Page 44
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Avec eux, nous retrouvons des noms qui sont déjà familiers. Une certaine imbrication - sur le plan individuel - existe Entre "Espoir" et "93". René Seyroux, Henri Perrin, Claudius Volle se côtoient avec Viollette. Les deux premiers prêtent leur concours principal à "Espoir", les seconds à "93". .....

Page 45
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Si, lors de ses premier pas, le groupe se matérialise essentiellement par des contacts informels entre tenants d'un même idéal, la nécessité se fait bientôt sentir de se donner une personnalité et de se doter de structures. La réunion constitutive eut lieu au milieu de 1941, rue de la Richelandière, chez l'institutrice France Karatchik. Voillette Maurice était entourée de Denise Bonhomme, infirmière, Claudius Volle, René Seyroux, Henri Perrin et d'Anne Heurtier. Celle-ci tenait à mettre l'accent sur une Résistance par l'esprit. Cela fut considéré comme insuffisant aux jeunes, tenaillés par le goût de l'action.
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Page 48
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La participation des membres de "93" aux manifestations publiques eu pour effet de les signaler à la vigilance de la police de Vichy. René Seyroux et Henri Perrin sont arrêtés une première fois le 1° Mai 1942. Il purgèrent une peine de trois mois de prison. ........
Page 50
Henri Perrin
Il est le pendant de René Seyroux à "Espoir" puis à "Franc-Tireur". En 1943, il succède à Quittaut comme départemental de ce mouvement. Il est à "Résistance fer". Il s'est constitué une équipe de saboteurs à base de cheminots. Tombé aux mains du SD (Sicherheits Dienst (Service de sécurité des SS)). Il est déporté à Buchenwald.
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Page 67
..... . Henri Perrin, déjà à "Espoir", mettra Jean Perrin en relation avec Jean Nocher.
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Page 72
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Jean Perrin, avant d'entrer en fonction à "Combat", s'était déjà rapproché des groupes stéphanois autonomes et des représentants locaux des grands courants de la résistance en zone sud. Il est en liaison avec "Espoir" par l'intermédiaire de Henri Perrin. .....
Page 73
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Mais si les policiers sont impuissant à maîtriser le flot des manifestations, ils n'en sont pas moins attentifs. Les "meneurs" sont repérés et fichés. Les animateurs les plus en vue, Jean Perrin, René Seyroux, Henri Mounier sont arrêtés le 5 Mai. René Seyroux et Henri Perrin sont relachés après controle d'identité. Les deux autres purgeront des peines plus graves. Jean Perrin ne recouvrera la liberté que par évasion en juillet 1943. Il reprendra immédiatement du service.
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Pages 80 à 83
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Quoique moins touché que "Combat" par les interventions policières de l'automne 1942, "Franc-Tireur" n'en connaît pas moins quelques répercussions. Pas moins de trois responsables départementaux succèderont à Jean Nocher. Celui-ci est arrêté le 29 septembre 1942. La police met fin à son action personnelle. Gaston Quittaud tombe le 3 février 1943. Henri Perrin assure un intérim en attendant la nomination de Jean Duroux à son tour éliminé le 28 octobre 1943. Si les événements hachent l'action directive du Mouvement, ils n'en rompent pas totalement l'activité. Henri Perrin pourra, en qualité d'adjoint de Quitaud et de Duroux assurer la continuité. Il est lui-même aidé Par Henri Falque.
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Jean Nocher est arrêté à Lyon le 29 septembre 1942. En raison des faiblesses de Duhazé, la police n'a aucune peine à l'identifier dans ses activités de Résistance. Par le même effet, son antenne de Rouanne disparait. Mais ses meilleurs appuis échappent encore à l'action policière. Jean Monnier, de Retournac, est pris le 2 Octobre. Son équipe va se rattacher tout-à-fait normalement à la Haute-Loire. Avec la perquisition opérée chez Edouard Rey, la totalité du matériel receptionné à Bas en Basset est perdue. Gaston Quittaud prend la suite de Jean Nocher avec des équipes à peine diminuées. Henri Perrin est maintenu à son poste d'adjoint.
...... Henri Perrin, en dépit de sa jeunesse, et tout en prenant, à Saint-Etienne, la responsablilité de "Résistance fer", fit le joint entre Quitaud et Duroux.
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L'été 1943 vit l'apparition des premières mesures de mise en place d'un réseau de Noyautage des Administrations Publiques (NAP). A Saint-Etienne, Ernest Bonnave, employé à l'octroi de la ville, constitua, avec Michel Barras et Jean Bachet, une équipe autour de lui. René Roinat s'investit au même titre dans les services financiers du département. Il assume par ailleurs, le service des faux papiers en liaison avec les Equipes Chrétiennes et le Front Nationnal. Henri Falque devient l'adjoint de Henri Perrin. Inquiété à la fin de 1943, il est muté à Lyon où il est pris à son tour le 2 juillet 1944.
........Ernest Bonnave évitera l'arrestation de justesse le 3 octobre 1943. Il se fait oublier durant quelques mois à Paris et revient à Lyon où il sert comme agent P2 au SR des MUR. Arrêté le 12 août 1944, il compte au nombre des victimes du massacre, le 20 août, à Saint-Genis-Laval. Jean Duroux tombe le 18 Octobre 1943. Il est déporté à Dachau. Henri Perrin est pris à son tour, le 13 novembre 1943. Il connaîtra les affres de Buchenwald.
Pages 114
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Il parviendra à constituer, le 20 Juin1943, rue Georges-Tessier, un comité départemental des MUR, rénissant sous sa présidence :
- Jacques Sauron pour "Combat"
- L'abbé Robert Ploton pour les Equipes Chrétiennes et "Combat"
- Jean Duroux et Henri Perrin pour "Franc-Tireur"
- Fernand Lévy pour "Libération"
- Dora Rivière, assitante sociale.
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(*) En fait il était étudiant, fils de cheminots. Il n'a jamais été Scout.
Bibliographie