Buchenwald;
15-IV-1945 |
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Oblitéré à Paris
23-IV-1945 |
Mes chers tous
Enfin libre! Est ce un rêve ? Souvent, j'en
ai peur et je crains de me reveiller.Heureusement, les americains
sont là pour me prouver que c'est bien la réalité.
D'ici peu, je crois nous pourrons nous retrouver et nous raconter,
je crois une foule de choses. depuis qu'on ne s'est vu! Et quels évênements
depuis! Quelles histoires! Lorsque, de retour, ayant quitté
le costume rayé du Häftling, j'ai l'impression que j'aurai
des difficultés à reprendre contact avec la vie normale,
tant nos anciens seigneurs, les SS nous avaient abrutis.
Je peux vous dire, tout de suite, que si je peux vous écrire
aujourd'hui, cest grâce à une foule de chances successives.
En particulier, ce qui ma sauvé la vie, c'est une pleurésie
qui a duré plus de 4 mois. Alité à l'infirmerie
du camps, j'ai échappé au bombardement et ai passé
l'hiver au chaud. Et bien d'autres choses encores que je vous raconterai
plus tard. Cependant pour le moment je suis en parfaite santé.
Je ne me ressens presque plus de la pleurésie. J'ai bien quelques
douleurs dans les jointures. Manque de lubrifiant ou résultat
du climat pourri de Buchenwald, de toute façon, de retour en
France, il n'en restera plus rien. Mes cheveux repoussent. Ils ont
une douzaine de millimètres.
De même que vous devez être impatients de savoir de mes
nouvelles, je le suis de mon côté, d'apprendre ce qui
c'est passé pendant mon absence. J'ai appris par divers camarades,
arrivé au camps en Août que la maison avait été
rattatinée. ou logez vous maitenant ? Tant et tant de questions
que je me pose.
J'ai reçu votre première lettre le 4-VIII (une semaine
avant d'apprendre que le 1 rue Ferdinant n'éxistait plus) puis
une carte postale le 20; une lettre de Mr Hoffman le 12-VIII et c'est
tout. Plus tard en février et mars une carte de Mme Rognon
et 2 de Neuchatel et enfin le 5 avril une carte de Jean Daniel daté
du 14/2.
Je ne sais pas si nous resterons là longtemps. Cependant envoyez
moi de suite des nouvelles de toute la famille.
Je n'étais pas fort en histoire, mais il y a qques dates dont
je me souviendrai, et en particulier de celle du 11 avril, fin de
notre cauchemard.
Enfin, d'ici peu, je pense que tout sera normal. Patientons encore
un peu et à bientôt.
Transmettez ma sympatie à tous les amis.
Je vous envoie mes meilleurs baisers ainsi qu'à tte la famille.
HENRI
P.S. Est ce que la cave a souffert au bombardement ? Il y a bien encore
une ou deux bouteilles..... |